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Une histoire de l’aéronautique et du spatial

Les acteurs, les faits, les innovations

 Coup de cœur 2022 

Un coup de cœur !
Rédiger une « histoire de l’aéronautique et du spatial » en 317 pages est un sacré défi, auquel se sont attelés, avec brio, Jean-Christophe Kraemer et Régis Le Maître. Tous deux sont ingénieurs aéronautiques de formation, respectivement de Sup’Aéro et de l’E.N.A.C, et tous deux sont professeurs. Enfin, tous deux nous sont déjà connus par diverses parutions chez l’éditeur CEPADUES, en solo ou écrites en commun. La vision que l’on peut avoir de l’histoire de l’aviation est une affaire toute personnelle. Certains d’entre nous aimeront mieux les aventures et les aventuriers, d’autres l’évolution des techniques, d’autres encore une stricte chronologie des évènements, et l’on peut ainsi multiplier les façons de voir. C’est pour cela que le titre « UNE histoire de l’aéronautique et du spatial », exprime bien la notion de choix dans ce qu’ils veulent présenter. Les auteurs ne sont donc pas historiens à la base, mais scientifiques, et cela va forcément colorer leur approche, qu’ils définissent ainsi en sous-titre : « les acteurs, les faits, les innovations ». Par ailleurs, si l’on veut raconter cette histoire, il vaut mieux faire montre de qualités didactiques, et savoir prendre du recul pour analyser non seulement les faits, mais aussi leurs causes, leur enchaînement, leurs conséquences, leur évolution, etc. Ça, ils savent aussi le faire, et nos deux professeurs démontrent avec cet ouvrage leurs savoirs et leurs grandes qualités pédagogiques. Lisez d’ailleurs bien l’introduction, c’est un joli exercice de synthèse pour raconter le livre en trois pages. La trame principale, évidemment chronologique, est l’occasion de s’arrêter sur différents points de technique évoqués et d’y consacrer généralement une page focalisée sur un sujet.
On a donc un ouvrage dans l’ouvrage, l’histoire elle-même et, en toile de fond, une analyse de l’évolution des connaissances techniques. Pour beaucoup d’inventions (la corde de traînée des ballons, les forces aérodynamiques, les commandes de vol, les mots « avion » ou « hélicoptère », le plateau cyclique, le train escamotable, le siège éjectable, le pilote automatique, etc. ) l’inventeur est mentionné.
Les encarts sont, quand il le faut, purement scientifiques (poussée d’Archimède, effet Magnus, théories de Kutta-Joukovski ou de Rankine-Froude, principes de la thermodynamique, cycle de Carnot, travaux de Newton, Kepler, Bernoulli, Saint-Venant, Eiffel, etc.). Le lecteur peut donc s’y arrêter pour approfondir ses connaissances, ou en faire l’impasse et ne pas dévier du fil historique.

Chaque fin de chapitre est l’occasion de présenter un tableau de l’évolution aéronautique, résumé de ce qui vient d’être vu. Les féminines (pilotes essentiellement, mais aussi ingénieures, spationautes, etc) sont particulièrement soignées avec, régulièrement, une page consacrée à quelques-unes d’entre elles. C’est très appréciable, et tout à fait dans l’air du temps.

On apprécie également la gestion non partisane des cas classiques prêtant généralement à discussion : Jean-Marie Le Bris, Stringfellow, Clément Ader, Pégoud/Nesterov, Nungesser & Coli, etc. Quel plaisir enfin de voir que George Cayley a retrouvé ici une place qui lui est souvent refusée. La rédaction est globalement très propre, agréable à lire, et on ne trouve que quelques singularités qui ont pu échapper aux dernières relectures (voir notes). Il manquerait toutefois un index onomastique plus complet et un index technique, mais on sait que cela conduirait à augmenter considérablement le nombre de pages.

C’est ainsi qu’on arrive aux 2/3 de l’ouvrage où l’on trouve une première conclusion, clôturant le chapitre consacré aux années 1970-2020. On nous présente un judicieux état des lieux de l’aéronautique et du spatial récents, avec les dernières implications technologiques et environnementales, l’arrivée des drones, celle des compagnies low-cost, les fluctuations des prix du carburant, la crise sanitaire, la décarbonation…
Mais l’ouvrage n’est pas fini, et son côté historico-savant évolue soudain en une véritable encyclopédie, un florilège présenté de manière un peu bohème. La Patrouille de France y évolue au milieu des missiles, une explication des profils supercritiques est coincée entre les pirates de l’air et les catastrophes aériennes. Tous ces points sont intéressants, mais ils souffrent d’être présentés dans un ordre dont la logique ne saute pas aux yeux. Et c’est là que l’on commence à regretter l’absence d’un index, pour le jour où l’on voudrait y rechercher un thème précis.

Vous comprendrez toutefois que l’ouvrage ne pâti que d’être un peu trop riche sur la fin. Ce petit bémol n’empêche pas d’avoir un véritable coup de cœur pour ce travail, particulièrement les deux premiers tiers.

En 4e de couverture est recensé le public à qui cet ouvrage veut s’adresser :
« À l’aviateur qui veut se cultiver,
Au novice, pour qui l’histoire de l’aéronautique est une porte d’entrée,
Au curieux qui a toujours voulu en savoir plus sans jamais oser le demander,
 
À l’étudiant, futur pilote ou ingénieur voulant acquérir une solide culture de son domaine, 
À l’élève et au formateur préparant le BIA et le CAEA,
Au passionné qui souhaite mieux comprendre les enjeux scientifiques et techniques.
 »
Nous ne pouvons qu’y souscrire.

Jean-Noël Violette


Notes (rien de bien grave) :
* page 38, on nous présente côte-à-côte deux photos individuelles des frères Wright avec la légende : « Wilbur (d) et Orville (g) ». Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ?
* page 47 : « crashé », quel dommage cet anglicisme!
* page 81, Durafour ne s’est pas posé au sommet du Mont-Blanc, mais au Dôme du Goûter ;
* page 126 : on pourrait croire que l’armée de l’Air n’a pas pu être constituée pendant l’Entre-deux-Guerres, alors que c’est en 1934 qu’elle fut réellement créée, ce qui est d’ailleurs précisé page 129 ;
* entre les pages 174-175 et 229, il manque une articulation pour expliquer les 5 générations d’avions de combat ;
* page 184, un accent surprenant sur Kepler, alors que la traditionnelle faute d’accent sur Breguet a soigneusement été évitée ;
* page 211, le chapitre 7.5.2 Aviation Légère s’ouvre sur des illustrations d’Antonov 2, de Canadair CL215 et de DHC2 Beaver. Tout est relatif en matière de légèreté ;
* page 224, phrase un peu absconse ou tout du moins pas au niveau du reste du texte : « Avant la Seconde Guerre mondiale, les avions étaient camouflés grâce à la peinture et on évitait que les flammes sortant des tubulures d’échappement étaient masquées par des carénages. »


317 pages, 16,5 x 23,5 cm, couverture souple, broché 0,740 kg

En bref

ISBN 9782364939530

29,00 €