A 90 ans, Jean Belotti analyse lui-même son existence comme étant composée de trois tiers :
– 0 à 30 ans, de sa naissance à la fin de la Guerre d’Indochine ;
– 30 à 60 ans, ses années Air France ;
– 60 à 90 ans, ses multiples autres facettes professionnelles.
Tout cela ferait bien trois volumes pour le commun des mortels, mais l’auteur n’en fait pas partie, comme nous allons le voir, et il a choisi de nous présenter tout cela en un seul livre de 714 pages.
L’impression immédiate, en ouvrant cet imposant ouvrage, c’est le style. Si ce n’est pas joli à première vue, ressemblant plus à des feuilles de notes rédigées pour un exposé qu’à une œuvre littéraire traditionnelle, on arrive vite à oublier cette forme brute de moule. Page 423, l’auteur nous avoue que ce style lui a joué des tours lors d’une de ses premières épreuves universitaires : « J’avais rédigé ma copie comme cela se fait dans le monde de l’industrie, avec des titres, des sous-titres numérotés, des soulignements et même des couleurs pour mettre en valeur les points importants. De toute évidence, cela n’avait pas été du goût du correcteur qui, indépendamment du fond, ne s’était attaché qu’à la forme. » Alors, oublions un peu la présentation, et intéressons-nous au contenu.
Jean Belotti est un hyperactif, et semble enchaîner sans fin métiers et activités. S’il arrive à être successivement militaire, blanchisseur, fabricant de savon, tenancier de boîte de nuit, moniteur d’aéro-club, manutentionnaire aux halles, pilote de ligne, syndicaliste, étudiant, chef-pilote, musicien, consultant, professeur, compositeur, gérant de société, chef PNT, expert pour les tribunaux, auteur, conciliateur, chroniqueur, etc., il pratique souvent plusieurs de ces occupations de front.
Le livre est dense, vous l’aurez compris. Tout au long de son récit, l’auteur glisse 540 notes de bas de page qui donnent à l’ensemble un petit caractère encyclopédique. Il s’en sert pour expliquer bien des termes techniques, pour présenter un lieu, pour se focaliser un moment sur la carrière d’un personnage croisé ou pour rappeler les événements qui ont marqué une époque, et ces apartés se veulent édifiants pour les jeunes générations. En complément, et essentiellement lors du premier tiers de l’ouvrage, ses jeunes années, il utilise un procédé narratif style « voix off » en faisant discuter à bâtons rompus autour de l’actualité du moment des groupes d’anonymes : clients de l’auberge de sa mère pendant la Seconde Guerre mondiale, copains de chambrée ou de popote à l’armée, pilotes-stagiaires en formation, journalistes de passage, équipages en attente d’embarquement, etc. Le second tiers est l’occasion de citer de très nombreuses anecdotes aéronautiques, et le lecteur se régale. Certaines sont émouvantes, d’autres franchement cocasses. Ma préférée ? Celle du Valdahon, que je ne vais pas divulgâcher, mais le lecteur attentif appréciera. Le troisième tiers, moins aéronautique, est plutôt consacré à son activité d’expert et de consultant, et à des épisodes de vie familiale, avec encore un fourmillement de petites histoires où l’on perçoit sa fierté légitime de père et de grand-père. De manière générale, il arrive à parler de ses propres réalisations sans fausse modestie, à s’en montrer satisfait mais sans s’en enorgueillir outre mesure. Le livre se termine enfin sur des pensées et réflexions personnelles, un bilan d’ « Une vie » intensément remplie, aux allures de testament.
Sur le plan technique, on peut juste regretter une relecture imparfaite par moments, un choix parfois pas toujours très bien défini du temps de narration, présent ou passé, et surtout l’absence totale de photographies. Mais rappelons-nous que nous avons choisi d’oublier un peu la forme et de nous intéresser surtout au fond. Et là nous avons de quoi faire ! En refermant l’ouvrage, au bout des 714 pages, vous réaliserez que, pour 30 €, vous avez fait une bonne affaire : c’est de l’aviation mais ce n’est pas du vol !
Jean-Noël Violette
714 pages, 15 x 24 cm,broché
1,100 kg
Préface de Bernard Almori
L’ouvrage n’est pas disponible en librairie, il ne fait l’objet que d’une édition réduite réservée aux lecteurs de l’auteur.