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Une vie avec le ciel comme horizon


Mémoires
Commandant Armand Viguier

« Tout homme qui meurt est une bibliothèque qui brûle », disait si justement Senghor. D’une génération à une autre, on oublie de transmettre. Quels souvenirs écrits reste-t-il des assaillants de la Bastille ou des vaincus de la Bérézina ? Longtemps, la littérature s’est contentée de reproduire les biographies des grands de ce monde ; mais qu’en est-il pour tous « les petits et les sans-grade ». Les seuls vrais souvenirs anciens vivant dans la mémoire de nos doyens remontent à peine au XIXe siècle. Et encore, ce sont là réminiscences des récits de nos propres grands-parents, marqués à jamais de souvenirs tragiques d’enfance misérable. Heureusement, quelques-uns ont pris le soin de tenir une sorte de journal, un bien précieux qui échappe aux historiens et aux généalogistes. Ces écrits ont acquis aujourd’hui, par leur authenticité, une véritable valeur historique. Bernard Viguier, fils du commandant Armand Viguier a bien souvent entendu son père raconter ses guerres. Par bonheur, ce dernier avait couché ses aventures sur un journal. Les voici telles quelles, éditées à compte d’auteur par son petit-fils Thierry, et livrées au lecteur dans leur état originel.

« Pendant 25 ans, sans désemparer, j’allais approcher à peu près toutes les célébrités de l’histoire aérienne, piloter une trentaine d’appareils divers, jouir de cette griserie de l’envol, partager cette d’escadrille restée légendaire. J’allais aussi connaître l’angoisse et les émotions exceptionnelles provoquées par la guerre. »

Ainsi débute la vie passionnée et passionnante du commandant Armand Viguier né avec le jour de l’an 1893, qui, dès l’âge de quatorze ans, éprouve le besoin d’écrire par bribes sa vie d’adolescent, de jeune homme et d’adulte. Témoin de l’aviation militaire naissante, il raconte comment il a fini, à force de persévérance et grâce au curé de son village, par réaliser le rêve d’Icare qui était également le sien. Il décrit avec une grande pudeur son affection pour les siens, son attachement à son village natal, Péchaudier, son intérêt pour la mécanique, son engouement pour l’aviation. Versé enfin dans l’aviation après un engagement dans la Cavalerie en 1913 au 10e Dragons de Montauban, il remplit les pages de son carnet d’anecdotes incroyables teintées d’émotions, de peur ou de souffrance quand l’un de ses frères d’armes meurt au combat. Il nous décrit tous les avions qu’il a pilotés avec force détails sur le fonctionnement des moteurs car, s’il se grise du vol, sa passion pour la mécanique ne s’est pas éteinte. Passé du bombardement à la chasse, il côtoie avec bonheur des héros encensés par la presse, tels Brocard et Guynemer.

Sorti indemne de la Grande Guerre, il poursuit sa carrière au sein de l’aéronautique. C’est là qu’il rencontre Didier Daurat et Saint-Exupéry qu’il égratigne au passage pour avoir eu l’occasion de s’entretenir avec eux. Aucune méchanceté ni amertume dans ses propos, simple constatation de comportements contraires à l’esprit d’aviateur et qui permettent de mieux cerner le caractère de ces personnages passés à la postérité. Des années 30 à 39, Armand Viguier livre un témoignage intéressant sur l’état critique de l’aviation et la situation politique du moment. Ces souvenirs s’arrêtent avec l’armistice de juin 1940, l’incroyable mais prévisible défaite.

Cet ouvrage, préfacé par Gabriel Voisin, trouve largement sa place dans une bibliothèque des meilleurs livres sur l’histoire de l’aéronautique militaire. Le style est alerte, fluide, un brin teinté de nostalgie par l’emploi du subjonctif, un temps que nos anciens maniaient à la perfection et qui nous rappelle la plume optimiste de Jacques Mortane.

Corinne Micelli


288 pages, 15 x 21 cm (A5)

cahier 12 pages de photographies d’époque
– Préface de Gabriel Voisin


Armand Viguier
Armand Viguier

Armand Viguier sur Bloch MB 152 en 1939
Reproduction interdite

En bref

Éditions des Grilles d’Or

ISBN: 978-2-35589-006-02

20 €