Cet article dévoile une partie du scénario du volume précédent. Si vous n’avez pas lu ce dernier, nous vous recommandons de vous tourner vers l’analyse du volume 1 de la collection.
Entre l’uchronie un peu « pure et dure » façon Jour J et le scénario faisant intervenir du fantastique, comme c’est le cas de la collection Wunderwaffen, il y a la place pour une voie médiane, ni excessivement rigoriste (après tout, nous sommes dans la réécriture historique), ni fantasmagorique. Le scénario de Jean-Pierre Pécau est tout à fait convaincant, même s’il distord l’Histoire au delà de la simple uchronie*. Dans le cadre qu’il s’est fixé (une paix séparée entre les USA, le Royaume-Uni, la France d’une part, et d’autre part une Allemagne où Hitler a été destitué par un complot mettant Rommel au pouvoir), il tient les rênes d’une histoire qui tient la route. L’intrigue est riche sans être excessivement foisonnante et les personnages sont bien campés, passablement conformes à ce qu’ils furent réellement.
La rivalité qui oppose Nicolas Charlier, ex pilote d’essais de chez Bloch, et son homologue Gourgeon, n’a fait que croître. Comme ce fut réellement le cas pour certains pilotes du Normandie-Niémen, Charlier est soupçonné de sympathies pour le régime de Staline ; mais cette fois, c’est plus gênant, car les Alliés occidentaux ont pris l’URSS pour cible… avec l’aide de l’Allemagne débarrassée de son régime nazi. Marcel Dassault prend une place de premier plan dans l’intrigue, ce qui n’est pas commun.
Dans ce tome, le scénario ne se simplifie pas. Pour tout vous dire sans rien dévoiler, ce n’est pas encore dans ce volume que l’on saura si Charlier joue franc-jeu avec les Américains ou s’il est à la solde de Moscou. Tantôt on nous laisserait envisager certaine possibilité pour cette option, tantôt elle est démentie par un témoin difficilement contestable (un certain Joe Kennedy*). En tout cas, Jean-Pierre Pécau a été professeur d’histoire et ses connaissances en ce domaine, tout à fait perceptibles, sont la garantie d’un scénario robuste. L’aviation est le pivot de cet album où se mêle également espionnage et roman noir. Pour surprenants qu’ils puissent être, les appareils présents ont existé, en opération, comme le Messerschmitt Me 163 Komet et le P-82 Twin Mustang, en tant que prototype, comme le XP-56 Black Bullet, voire en tant qu’« avion de papier », tel le projet d’ailes volante Arado E.555 que Marcel Dassault semble reprendre à son compte après l’avoir modifié sous la dénomination de Thunderbird.
Le dessin de Maza, énergique et réaliste, colle bien au sujet et son dynamisme s’avère adapté au tonus du scénario. Rien à redire à la mise en couleur par Jean Verney dont c’est la première collaboration (fructueuse avec le dessinateur Maza).
L’uchronie a ses adeptes et ses détracteurs. Elle est à prendre comme une spéculation historique qui prend son assise sur une connaissance approfondie de la période considérée. Les amateurs d’histoire trouveront leur compte dans celle-ci, les amateurs d’aviation également. Et quant aux amateurs d’histoire de l’aviation, ils feront comme l’auteur de ces quelques lignes : ils attendront la parution du tome 3, en se demandant pour qui roule (ou plutôt vole) Nicolas Charlier, que va devenir le prototype modifié par Marcel Dassault, quelle sera l’issue (ou au moins la suite) de ce conflit qui a tout d’une Troisième Guerre mondiale…
Philippe Ballarini
64 pages, 24 x 32 cm
Dessin : Maza
Couleurs : Jean Verney
* Uchronie : Genre littéraire qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé.
* Joe Kennedy : Frère aîné de John Fitzgerald Kennedy. Décédé en service aérien commandé le 12 août 1944. Son père, Joseph Kennedy Sr., le destinait à être président des USA.
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Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Delcourt
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