Voler à vue dans l’obscurité n’est pas le moindre des paradoxes. On ne s’étonnera pas de trouver dans cet excellent ouvrage de nombreuses pages consacrées aux instruments de pilotage sans visibilité et à leur utilisation, mais l’auteur rappelle à juste titre que le vol aux instruments nécessite un entraînement bien plus complet, et que VFR de nuit n’est pas synonyme de pilotage dans l’obscurité totale au-delà d’une courte période.
La plus grande difficulté du VFR de nuit réside probablement ici : sous une même désignation, il désigne aussi bien un tour de piste à la tombée de la nuit qu’une véritable navigation à la lueur des étoiles… chaque pilote définissant ses limites en fonction de sa propre expérience.
Réglementation et balisage des aérodromes sont amplement et clairement développés par Michel Moerenhout ; si tout cela peut à première vue paraître indigeste au néophyte, ce dernier s’y retrouvera rapidement avec ses premières heures de vol.
Il reste que le chapitre le plus important est peut-être celui consacré aux illusions sensorielles ; pour en apprécier l’importance, il suffit de se rappeler que même des équipages parfaitement entraînés à voler aux instruments ont pu être victimes de celles-ci à l’occasion de remises de gaz ou d’approche mal stabilisées, en allant jusqu’à l’accident.
Faut-il dans ces conditions se lancer au-devant de telles difficultés ? Ne faut-il pas oublier cette idée apparemment saugrenue en laissant la nuit aux oiseaux du même nom ? « Only owls ans bloody fools fly at night »* a écrit un auteur britannique… Bien au contraire ! Voler de nuit est une expérience extraordinaire, pour autant que l’on s’arme d’un minimum de prudence.
Bien sûr, il ne faut pas espérer faire très facilement de grande navigation, mais le but n’est peut-être pas là; il faut plutôt voir le VFR de nuit comme le moyen pour un pilote privé d’étendre son expérience, d’élargir les limites de sa passion, au même titre que la voltige, dans un autre domaine. Expérience en matière de pilotage, mais aussi en ce qui concerne la prise de décision ; dans un monde de plus en plus réglementé par toutes sortes de normes ISO, c’est un espace de liberté dont il faut savoir profiter.
Si il fallait trouver une autre bonne raison de se plonger dans cet ouvrage, rappelons que pour les titulaires d’une licence européenne, il suffit désormais de recevoir une habilitation au vol de nuit délivrée par un instructeur qualifié après une formation suffisante, sans épreuve pratique ni théorique, habilitation à laquelle le travail de Michel Moerenhout constitue un complément efficace qu’on lira sans bachoter, sans la crainte de l’examen.
Bons vols sous les étoiles !
Pierre-François Mary
238 pages, 14,8 x 22 cm, broché couverture pelliculée
* « Il n’y a que les hiboux et les fous furieux pour voler la nuit ».