Pour tout passionné de l’histoire vélivole française, la parution d’un nouveau numéro de Vieilles Plumes est toujours appréciée. Surtout quand, comme ce nouveau millésime 2012 signé Jean-Claude Néglais, il traite d’un haut lieu du vol à voile métropolitain. En l’occurrence Pont-Saint-Vincent, célèbre pour ses nombreux vols de distance, lorsque ces épreuves se faisaient vent arrière, pour l’Émouchet qui y a été créé, pour son centre national, pour les personnages hauts en couleur qui l’ont fait vivre (Mangeot, Didion, les frères Lamort, Ringlé, Branswyck, Pradié…), pour ses deux championnats de France et bien sûr pour son bout de gras !
Cette parution, comme l’auteur nous l’explique en introduction, n’était pas voulue. Il s’agit à la base d’un travail de compilation d’archives, prévu pour n’être partagé que par quelques initiés. Nous aurons donc le plaisir d’accéder à cette initiation à notre tour. La contrepartie à accepter en échange est que l’état d’achèvement de cet « historique-malgré-lui » est celui d’un simple document de travail. Alors bien sûr, la présentation est parfois surprenante et les répétitions nombreuses. Les multiples interventions de l’auteur à la première personne pour nous commenter ses recherches sont quant à elles inhabituelles, mais pourquoi pas ? L’unité des temps de narration n’est pas garantie, on y parle comme en club de « brevet D, E et F » là où une rédaction définitive aurait certainement remplacé ces expressions par les plus officiels insignes d’argent, d’or et les diamants associés. Et surtout, petit défaut habituel des historiens régionaux, on trouve certaines données en trop grandes quantité, en regrettant qu’une sélection n’ait pas été faite de manière à ne nous en présenter qu’une synthèse. Il en est ainsi pour cet ouvrage de l’analyse parfois fastidieuse des états de caisse ou du détail des salaires, primes et allocations familiales versés aux salariés, ou de la litanie des petits vols qui ne met pas suffisamment en relief, voire qui noie les plus importants, ceux qui méritent qu’on s’y attache.
Les avantages, en revanche, sont bien présents : là où le lecteur extérieur trouvera que les journées peu intéressantes de petits vols sont pléthore, le vélivole vincipontin aura plaisir à connaître tous ces petits envols du passé. Si la publication aurait pu s’alléger de quelques documents (lettres ou coupures de presse par exemple), en revanche l’iconographie est riche et souvent originale. Les photos sont non seulement de bonne qualité et de grande valeur, mais elles sont aussi assez bien mises en valeur par la qualité d’impression de Vieilles Plumes, toujours en amélioration.
Du coup le lecteur, alléché et souvent largement rassasié par la prolifération des images et des énumérations de vols, pourra se sentir frustré par cette absence de données de 1932 à 1938 qu’explique et regrette l’auteur, et par le fait que le livre se termine assez abruptement en 1969 (année héroïque?), nous laissant sur notre faim quant à ce qui s’est passé après. Une autre grande source de frustration est cette régulière référence faite à des dossiers encore plus complets (plus de documents, photos et même deux films), non accessibles par cet ouvrage.
Aussi rassurons l’auteur : oui, même si les sources de données ont parfois manqué, si le temps disponible ne lui a pas laissé transformer ce document de travail en véritable œuvre d’écriture, il a bien fait de se laisser tenter par la commission historique de la FFVV de faire paraître ces travaux dans leur état actuel dans un numéro de Vieilles Plumes. Et avec lui, espérons de nos vœux la reprise un jour de ces sources documentaires par un de ses successeurs dans ce travail de mémoire, pour qu’un ouvrage plus complet puisse voir le jour. Et en attendant, sachons apprécier ce document très dense à sa juste valeur, comme un point d’étape bien sympathique.
Jean-Noël Violette
200 pages, 21 x 29,7cm, 200 pages, broché