Dans son autobiographie, Virages en persienne, Alain Brossier nous livre d’abord de tendres souvenirs d’enfance en Algérie. Puis il évoque cet élève plutôt dissipé qu’il fut, vite recadré au lycée par les pères maristes pour un bac avec mention. Les classes préparatoires de taupe (Math Sup et Spé) au lycée Thiers de Marseille, le conduisent à Polytechnique (X), dans un rang honorable. Passionné d’aviation, à la sortie de l’X de la montagne Sainte Geneviève (ambiance monômes et bahutages), il choisit l’Armée de l’air, et rejoint la promotion 1956 de l’École de l’Air. Son chef, le général Delfino, ancien du Normandie-Niemen, ne voit que par la Chasse. Ça tombe bien, car du Morane-733 (inoubliable lâcher), au Fouga, à Salon de Provence, il rejoint l’école de chasse de Meknès et la cabine du T-33, avion difficile et lourd, puis le Vampire monoplace, pour l’entraînement au tir avant le macaronage (brevet de pilote), clôturant une progression de sueur et d’effrois.
Il est affecté à la 13e escadre de chasse, à Colmar, sur l’intercepteur F86-K Sabre (le confort d’une Buick) avec quelques responsabilités (officier NBC) des missions (tir, tenue d’alerte, desserrement,…), une éjection moteur cassé, des échanges à l’étranger, et un peu de détente (stage de ski à Val d’Isère, parcours évasion…), mais aussi les joies de l’escadrille aux soirées rieuses, générant une petite histoire si bien racontée, avec le « Règlement de la Chasse » comme livre de chevet (poursuite d’un objectif unique…)
Après les débuts laborieux du tout nouveau Mirage IIIC, moderne et puissant, et sa fusée à acide nitrique crevant le parking, ses habits de lumière stratosphériques épuisant les pilotes voués aux 66000 pieds, il se tourne vers une carrière de pilote d’essais.
Il rejoint le Centre d’essais en vol de Brétigny en 1964, y découvre Meteor, Canberra et plus lourd, avant de voler sur la plupart des appareils de cette époque, en particulier le Vautour, sur lequel il fera son dernier vol longtemps après. A Istres, il s’éjecte du Mirage IIIA 03 en panne réacteur, puis du Jaguar E 01 auquel il a trop demandé. Il est par deux fois blessé et craint pour son aptitude pilote.
Après un passage en état-major où il s’occupe des programmes de missiles, il rejoint l’école supérieure de guerre aérienne, puis la base aérienne de Colmar, en 1973, comme chef des moyens opérationnels où il retrouve ses chers Mirage, et découvre le planeur le week-end, à la Section air de vol à voile dont il est chargé. Il retourne trois ans aux essais en vol à Cazaux, comme chef de la Base d’essais, chargée de l’expérimentation pour le tir et le bombardement, puis prend le commandement de la Base aérienne 217 de Brétigny, après un deuxième passage à l’état-major de l’Armée de l’air.
Après le service, il est placé à la tête du Musée de l’air et de l’Espace, au Bourget, où il découvre les joies et les risques du pilotage des montgolfières et les difficultés de la vie associative, se mettant à la faute, bien malgré lui, jusqu’en correctionnelle. Plus tard, président de SOS amitiés, pendant cinq ans, il donnera toute sa mesure à la tête d’une institution caritative, manière de revenir sur terre, après plus de trente années de pilotage passées la tête en l’air.
Au travers de nombreuses anecdotes, Alain Brossier nous dévoile la vie passionnante des unités de chasse et d’essais en vol, des premiers réacteurs jusqu’au Jaguar. Une certaine insouciance aéronautique, portée à faire confiance à l’avion de mieux en mieux maîtrisé, lui laissera peu de chance lorsqu’il devra affronter la jungle d’une administration tatillonne. « Savoir voler n’est pas savoir nager », a-t-il dû se dire en se retournant sur son périlleux passé, pour nous livrer cet intéressant témoignage.
Richard Feeser
262 pages, couverture souple, format 240x160mm
Nombreuses photos couleur et noir et blanc