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Vivre dans l’espace

Michel Marcelin

« La Lune ? Et après ? » C’est un peu la question que semble poser ce livre au moment où se fête le cinquantenaire des premiers pas de l’homme sur notre satellite.
Quitte à briser des rêves, rappelons que le « grand pas pour l’humanité » était d’abord et avant tout le fruit d’une lutte acharnée entre deux blocs, entre deux états en concurrence dans leurs impérialismes mutuels, en pleine Guerre froide. La poésie de l’épopée ne fut qu’un ajout « cosmétique ». La meilleure preuve en est qu’une fois éteint le sourd conflit entre les USA et l’URSS, il ne fut plus question ni de Lune et que la plupart des autres (et onéreux) projets furent rangés dans un tiroir. On se contenta de la « proche banlieue » de la planète Terre… en attendant mieux. La politique internationale étant ce qu’elle est… et les humains ce qu’ils sont, on ne pouvait tout de même pas s’en tenir là et, une fois installés les satellites espions et les satellites à des fins plus pacifiques, il fallut bien passer à autre chose.

Le livre Vivre dans l’espace nous fait vivre les missions Apollo non comme le zénith de la conquête spatiale, mais comme un début, une porte ouverte. Après l’inévitable (et assez bref) rappel des augustes pionniers, on entre dans le vif du sujet avec les premiers vols habités, les missions Apollo et les stations orbitales : Saliout, Skylab, Apollo-Soyouz, Mir. C’en est fini de la concurrence : la coopération est de mise, d’autant plus que les programmes deviennent de plus en plus coûteux. Et voilà la navette spatiale américaine, qui a tant marqué son époque (1981-2011) et la fameuse station spatiale internationale, l’ISS, étonnant jeu de construction évolutif, assemblage faussement hétéroclite qui a permis quantité d’expériences scientifiques. Vient ensuite l’époque où le quasi-monopole de certaines entités (USA, Russie, Europe) se voit sapé par ce que l’on nomme des « pays émergents » : la Chine envoie ses « taïkonautes » dans l’espace, et plus simplement sur les brisées de leurs prédécesseurs. Même le modèle « étatique » se voit entamé par des entreprises privées, lesquelles font appel à des chercheurs qui semblent particulièrement imaginatifs et envisagent un financement à partir du « tourisme spatial ». Bien entendu, cet ouvrage ne pourrait faire l’impasse sur la question qui, dans l’immédiat, représente le parangon de la conquête spatiale : l’homme ira-t-il sur Mars ? Quand ? Comment ? Et plus loin encore ? Alors que la NASA envisage déjà des vols habités vers des astéroïdes à l’horizon 2025, Elon Musk projette carrément d’envoyer des humains visiter Europe, un des satellites de la planète Jupiter.

On le voit, par son traitement du sujet aérospatial, ce livre rompt avec ce que nous propose la production éditoriale actuelle, laquelle focalise souvent (pour cause de cinquantenaire) sur Apollo et la conquête de la Lune. L’approche de l’auteur s’avère très variée, puisqu’aussi bien on trouvera des détails sur la vie à bord et son évolution au fil du temps, les questions du lavage et du rasage (pas simples !), les expériences effectuées à bord, la question de l’eau, mais aussi le télescope Hubble, les bases martiennes…

L’auteur n’est pas vraiment un amateur : directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’étude des galaxies au Laboratoire d’astrophysique de Marseille, il a su, dans Vivre dans l’espace, se mettre à la portée du public. Pas de propos alambiqués, pas de vocabulaire compliqué. Son propos, c’est du béton. Mais du béton très digeste, facile à lire. Le livre est construit autour de photos (souvent superbes) que Michel Marcelin explique et commente. Et cela marche ! On peut tout aussi bien aborder ce volume classiquement, commençant à la première page pour le suivre de façon chronologique, comme on peut filer directement à un chapitre qui nous intrigue, comme par exemple Les vols habités chinois. Pourquoi également ne pas « picorer », se laisser séduire par la photo de la nébuleuse de l’Aigle, ou interpeller par le « masque d’eau » sur le visage de Jean-François Clervoy… Nous avons apprécié la présence d’un index des noms cités (sur trois pages), un glossaire (très bref, l’auteur ayant utilisé un vocabulaire accessible à tous), et même les légendes des quelques photographies utilisées en pleine page à des fins essentiellement esthétiques. Rien n’a été négligé. Petit détail sympathique : ce livre a été imprimé en France.

Après s’être, à l’origine, exclusivement consacrées à l’automobile, les éditions E/P/A ont, depuis un certain temps déjà, diversifié leur ligne éditoriale. Demeure néanmoins chez cet éditeur un évident parti-pris d’esthétique et de façonnage soigné, ce qui fait d’un simple « beau-livre* » un livre réellement beau. Sans être excentrique, la mise en page fait preuve d’une certaine recherche, avec une police de caractère à chasse fixe* qui rappelle celles des anciennes machines à écrire mécanique (Lucida, Courier…) Au lieu du classique papier glacé, voire du papier satiné, on a opté pour un semi-mat de fort grammage particulièrement élégant et agréable au toucher. Une couverture cartonnée de forte épaisseur, une impression de qualité, on est dans la grand classique de chez E/P/A : du vrai « beau livre », aussi agréable et bien construit qu’enrichissant.

Philippe Ballarini


264 pages, 21,5 x 26,5cm, relié
1,354 kg


* beau-livre : dans la terminologie bibliophile, un « beau-livre » est un ouvrage abondamment illustré, avec un soin particulier apporté à l’image, à la qualité d’impression, au choix du papier et au façonnage.
* police à chasse fixe : caractères non proportionnels


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© E/P/A

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Chêne / E/P/A

ISBN 978-2-37671-063-9

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