Jean-Marie Klinka est un ingénieur remarquable, de la trempe des Marcel Riffard, Reginald Mitchell ou, plus près de nous, Stelio Frati. Mais il est aussi un personnage emblématique des quarante dernières années d’une aviation légère mais puissante. Il fut, au départ, salarié par les avions Mudry, puis à son compte dans son propre bureau d’étude, responsable de la conception de la plupart des CAP postérieurs à 1972, et de divers projets pour Robin, Fournier, Ranjon, la SOCATA, la SAGEM et quelques autres. Il a donc été un témoin privilégié, que ce soit du monde de la voltige aérienne, de celui des études aéronautiques par celles qu’il fit lui-même à l’ESTA* après les Arts & Métiers ou par celles qu’il encadra à l’ENSICA*, de celui des nouveaux logiciels de conception assistée par ordinateur, et enfin de celui de la certification, pour lequel il œuvra à la direction générale de l’aviation civile (DGAC).
Jean-Christian Bouhours a eu l’idée de l’interviewer, et de consigner questions et réponses dans ce petit ouvrage édité dans la collection Patrimoine de l’aviation civile. C’est une démarche de bon aloi, et on regretterait presque que ce type d’entretien ne soit pas plus couramment utilisé pour conserver des témoignages de premier plan pour les générations futures.
À l’image du personnage, derrière un calme apparent, le livre déborde d’enthousiasme, et s’écarte fréquemment de la trame historique pour des apartés plus généraux sur sa carrière, sur les façons de travailler, sur les personnes qu’il rencontre ou qu’il rencontrera par la suite, etc. On sent que le rédacteur a dû souffrir pour endiguer un récit plein de spontanéité qu’il nous livre apparemment « brut de moule ». Mais nous n’allons pas nous plaindre de cette abondance. Au-delà de la fidélité au récit de JM Klinka dans ses réponses aux questions, peut-être aurait-on pu envisager une petite réécriture, en adaptant les temps de narration pour faciliter la lecture chronologique ?
Si l’on doit regretter vraiment une chose, c’est que ces mémoires fassent l’objet de deux tomes, dont nous ne présentons ici que le premier, qui concerne la période 1972-1992. Un second tome, portant sur les années 1992-2012, et donc a priori plutôt consacré à son travail dans les services de certification de la DGAC devrait être édité plus tard. Comme on l’imagine également riche d’histoire et d’histoires, de technique et de rencontres, il va falloir gérer notre frustration quelque temps. Ce livre ne faisant « que » 93 pages, on aurait pourtant très bien imaginé un seul volume de 200 pages, plus logique que deux de 100, mais il y a peut-être des contraintes de parution qui nous ont échappé.
En annexe on trouve plusieurs textes de JMK lui-même, un de Bernard Chabbert sur le premier vol du CAP 20L et, à ne pas rater, le récit d’une éjection en Vautour par l’ingénieur d’essai Jean-Claude Wanner. Si l’on peut s’étonner de cette dernière inclusion, peu en rapport avec le sujet du livre, c’est simplement que son héros fait partie des figures qui apparaissent dans ce livre, et qu’il a accepté cette parution complémentaire. Et comme vous êtes finalement venus passer un bon moment en vous procurant ce livre, vous ne le regretterez pas, c’est comme une cerise sur le gâteau. Mais qui a déjà vu JC Wanner dans une de ses conférences n’en doutera pas un moment !
Dans tous les cas cet ouvrage, et certainement son petit frère à venir, sont chaudement recommandés aux voltigeurs, aux (élèves et) ingénieurs aéronautiques, aux constructeurs amateurs, et de manière générale à tout passionné d’une aviation un peu plus légère que la moyenne, pour qui la vie n’est pas faite que de bus aériens ou de mirages.
Jean-Noël Violette
*ESTA : École supérieure des techniques aérospatiales
*ENSICA : École nationale supérieure d’ingénieurs de conception aéronautique
96 pages, 20 x 23 cm, couverture souple
0,280 kg
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