Wunderwaffen [01]

Le pilote du Diable

Nolane & Maza

16 mars 2012

Philippe Ballarini

Août 1946. Des B-29 Superfortress en provenance de bases du Royaume-Uni s’approchent des côtes allemandes de la Mer du Nord, escortés par des Lockheed P-80 Shooting Star, lorsqu’une escadrille de Lippisch P-13a, étonnants chasseurs à aile delta de la Luftwaffe armés de missiles R4M Orkan, vient s’interposer dans un déluge de feu et d’explosions. Se distingue par son habileté et sa hardiesse le Hauptmann Walter Murnau, dont on devine qu’il jouera un rôle de premier plan dans l’histoire.

On l’aura compris : nous sommes en pleine uchronie*. Si le Japon est tombé à la suite des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, le IIIe Reich est toujours debout : Joukov est mort, et surtout… le débarquement en Normandie a échoué. Nous nous retrouvons donc dans la configuration du printemps 1944 mais, les progrès technologiques subissant l’accélération bien connue du temps de guerre, le ciel d’Allemagne est le théâtre d’affrontements d’appareils techniquement beaucoup plus évolués.

Uchronie, soit. Délire ? Pas vraiment. Le tome 1 de la bande dessinée Wunderwaffen* peut être perçu comme un prétexte à la mise en images de projets ou de prototypes bien réels, Horten Ho 229, Focke-Wulf Fw 183, Triebflügel, Super Lorin, Focke-Achgelis Fa 223 Drachen, mais le scénario ne se limite heureusement pas à des actions aériennes. Une intrigue politique assez mystérieuse se dessine très vite, dont l’aspect opaque est renforcé par la présence à Londres, auprès de Churchill et de Gaulle, de l’énigmatique (mais bien authentique) savant Jacques Bergier. N’allons pas plus loin pour ne pas déflorer le sujet, mais quelle que soit la position que l’on adopte face à l’uchronie, il faut bien reconnaître qu’une fois parvenu à la fin de ce volume, on se prend à manifester de l’impatience dans l’attente de la suite, le scénario parvenant rapidement à captiver le lecteur : que se trame-t-il donc de si secret à Auschwitz qui soit plus terrible que ce que l’on sait déjà ?

Quelques remarques : si le dessin des avions semble réussi, les portraits sont moins convaincants, et l’on peine parfois à reconnaître Goering, par exemple. Par ailleurs, la colorisation semble de temps à autre un peu « violente »… mais c’est semble-t-il une mode actuellement. Un bon point : pour montrer au néophyte qu’il est bien dans l’uchronie et pas la science-fiction, les auteurs ont ajouté sept pages de texte illustré (et bienvenu) dans une rubrique intitulée « Les armes miracle allemandes : de la propagande à la mythologie ».

L’uchronie façon « Luftwaffe 46 » a ses adeptes (il suffit de fouiller un peu le web pour s’en apercevoir), mais aussi ses détracteurs : la guerre qui continue en 1946, cela aurait pu être l’occasion de voir construire des appareils extraordinaires, mais cela aurait été également la poursuite d’un carnage qui avait déjà beaucoup trop duré. Par ailleurs, si on garde les pieds sur terre, on comprend vite que, de tous les projets présents dans les bureaux d’études du IIIe Reich, ceux qui étaient viables ont été bien vite récupérés par les Alliés, les autres furent jetés aux oubliettes parce que sans intérêt pratique. Mais nous sommes dans la bande dessinée, pas dans le réel… et nous ne sommes pas tenus de garder sans cesse les pieds sur terre. Essayons plutôt de nous procurer une autre arme secrète — la patience — pour connaître la réponse à la question qu’un Adolf Hitler devenu manchot pose à Goebbels : « Et maintenant, vous disiez quoi sur Auschwitz, Joseph ? »

Philippe Ballarini

48 + 8 pages pages, 23,4 x 32,3 cm, relié couverture rigide
0,603 kg

* Uchronie ou histoire alternative : histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu se dérouler à partir d’un événement qui diffère de la réalité historique.
* Wunderwaffen : « armes miracle »

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