– La critique de Philippe Ballarini
– La critique de Georges-Didier Rohrbacher
Le décor est planté par la présence, par le témoignage d’un pilote bien réel de Spit, le plus jeune pilote de la RAF lors de la bataille d’Angleterre : Geoffrey Wellum, 91 ans au moment où nous rédigeons ces lignes. Difficile de ne pas adhérer immédiatement lorsqu’un combattant, un vétéran apporte sa caution à un long métrage au point d’y figurer (comme narrateur, dans de courtes séquences filmées dans son environnement actuel). La caméra est donc centrée sur un homme, au bénéfice d’un thème plus large, cette fameuse bataille aérienne de l’été 1940 où selon le mot fameux de Churchill, jamais autant d’hommes ne durent leur salut à si peu d’entre eux. Inutile de s’attendre à une foultitude d’effets spéciaux à en faire pâlir de jalousie Göring en enfer (lequel jubilait depuis les falaises du Pas-de-Calais en croyant écraser la Royal Air Force le jour dit Adlertag ; on sait que depuis, il a été surnommé Meier) : les scènes de batailles face à la Luftwaffe sont précisément extraites du célèbre film de 1969, où Spit de toutes marques (!) voisinaient avec quelques Hurricane mais aussi des Buchon et autres Pedro également propulsés par des moteurs Rolls-Royce mais… frappés de la croix gammée (pour autant, les scènes aéronautiques ad hoc nous ont séduit au point de les trouver trop brèves. On en redemande et on en redemande du Spit !) De son arrivée au 92 Squadron commandé par le célèbre Brian Kingcombe (23 ans en 1940) à la fin de son tour de service dix-huit mois plus tard, nous avons été saisi par la solitude de ce pilote – joué par un Sam Heughan crédible et sincère – surnommé « le gamin » par ses frères d’arme (à peine plus âgés que lui pourtant) qui se serraient les coudes entre vétérans des premières batailles et essayant de ne pas s’attacher aux « bleus » dont les jours sont comptés au tableau noir des missions. Et au fur et à mesure de l’expérience, de la maturité, de la survie aux combats incessants et épuisants aussi, ce sont ses amis qui disparaissent au fur et à mesure, tandis que s’installe un véritable décalage, un éloignement de sa vie affective et familiale. Combien de fois avons-nous lu ces témoignages de combattants voulant retrouver au plus vite leurs copains au front tant ce décalage était devenu insupportable, incompréhensible pour ceux qu’ils aimaient ? On ne répétera jamais assez de quelles angoisses, peurs et solitudes sont faits les exploits des héros de l’air dont certains auteurs nous rebattent le porte-monnaie sans jamais avoir affronté ces situations. Ce film sobre et bref (1h17) nous a touché pour ce côté profondément humain et ne nous a que trop fait penser à Richard Hillary et son « Dernier Ennemi ». Et puis, il faut être britannique ou fana de l’histoire et des avions de la Seconde Guerre mondiale pour bien comprendre à quel culte le Spitfire est encore voué outre-Manche ou dans le monde. Quelqu’un a-t-il jamais imaginé produire en France un film évoquant un pilote de Dewoitine 520 (ou de MS 406, dont un exemplaire vole encore) durant la bataille de France ? Imaginez-vous son audience, alors qu’arborer un drapeau français relève pour certains au minimum du nationalisme conquérant ! Voilà toute la différence de mentalité avec nos voisins britanniques, pour lesquels le souvenir de la RAF et de ses aviateurs, la mémoire ne sont pas un « devoir » et n’appellent pas de sermons culpabilisateurs sur les leçons de l’histoire (jamais ou si peu suivies, mais ceci est un autre débat)… C’est aussi dans ce contexte qu’il convient de replacer Spitfire, qui s’achève sur vol d’adieu au 92 Sqn, laquelle scène n’est pas sans nous rappeler la dernière séquence du documentaire de Daniel Costelle et Henri de Turenne intitulé « La Bataille d’Angleterre » (1969) où le célèbre Jeffrey Quill fait entendre dans le ciel les inoubliables sonorités du Merlin pour son dernier vol sur un Spit préservé de la RAF.
Télescopage des événements et des dates, au moment où nous préparons cette recension et alors que le DVD de Spitfire est à peine commercialisé, le dernier survivant de la poignée de pilotes de chasse Free French qui ont participé à la bataille d’Angleterre – le Compagnon de la Libération Henry Lafont – vient juste de disparaître à l’âge de 91 ans. S’il était fidèle au Hurricane qu’il pilota à l’été 1940 au 615 Sqn, il ne tarissait pas d’éloges sur le Spitfire. Nul doute que s’il avait vu ce film, lui qui était si attaché à faire revivre la mémoire de ses copains « qui n’avaient pas eu la chance de rentrer de mission », il se serait retrouvé l’espace d’un instant avec eux, chahutant joyeusement dans la cabane du dispersal…
Georges-Didier Rohrbacher
Inclus dans les DVD et Blu-Ray : 3 croquis réalisés par Pierre-André Cousin, peintre officiel de l’Air
Disponible DVD, Blu-Ray & VOD
1h20, Format 1.77
Visionner la bande-annonce en françaisFirst Light
© Condor Entertainment
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