Les pionniers de l’aviation et autres cascadeurs qui, pendant les années folles, se lancèrent dans le défi de ravitailler en carburant leur avion en plein vol imaginaient-ils être en train d’inventer une arme stratégique ? Sans doute pas.
Des missions au Vietnam à celles au-dessus de l’Irak en passant par les Malouines ou le Kosovo, le ravitaillement en vol a permis d’écrire quelques chapitres des plus étonnants de l’histoire de la guerre aérienne. Aujourd’hui, il est devenu inconcevable de lancer la moindre opération aérienne d’envergure sans le soutien d’une flotte de ravitailleurs.
À l’heure où se pose la question cruciale du remplacement des vénérables KC-135 de l’USAF, qui ajoute un chapitre supplémentaire à la lutte à couteaux tirés que se livrent les firmes de Toulouse et de Chicago, il est grand temps qu’un auteur sérieux se penche sur le sujet.
L’auteur est connu. René J. Francillon n’est pas à son premier livre dans la collection Docavia (Du Comet à l’A380 étant ce que l’on peut appeler un livre incontournable), son passé d’ingénieur chez McDonnell-Douglas lui a permis de voir naître le KC-10 Extender depuis la meilleure place.
De façon assez habile, l’ouvrage commence par un glossaire, et c’est loin d’être une mauvaise idée que de permettre au lecteur d’acquérir le vocabulaire, si ce n’est l’argot, de cette branche de l’aéronautique, avant de qu’il se plonge dans son histoire. D’ailleurs, le titre de ce chapitre, NKAWTG, fait référence à un aphorisme tout militaire mais qui résume en quelques mots la raison d’être des ravitos ! Nous vous renvoyons au bas de la page 9 de l’ouvrage*.
Les premiers chapitres sont consacrés aux premières expérimentations, américaines mais aussi britanniques, les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté pensant essentiellement à l’aviation commerciale en raison de leurs nombreuses colonies.
On aborde ensuite l’introduction de cette technique dans le Strategic Air Command dans un premier temps, avant que tous les autres commandements américains ne s’en emparent, de Air Force One aux hélicoptères de la Guard.
En dehors des USA, de nombreux pays, à commencer par la France, se sont dotés d’une flotte de ravitailleurs ; ils sont présentés un à un, de l’Afrique du Sud au Venezuela, avant de laisser la place à un passionnant et instructif récit « ravitailleur/ravitaillé » de l’armée de l’Air.
Le chapitre 7 évoque les grands moments de l’art du ravitaillement, des missions Linebacker au Vietnam aux opérations actuelles en Irak et en Afghanistan, en passant par les Malouines, l’Afrique ou le raid des F-111 contre la Libye. Cette partie d’environ 25 pages est malheureusement un peu courte à notre goût, ces opérations, vues du côté du ravitailleur (puisque du côté ravitaillé les livres ne se comptent plus), mériteraient presque un livre complet.
Nous avons ensuite enfin droit à un répertoire exhaustif des avions spécialisés avec les données techniques les plus pertinentes. Au bout des 176 pages de cet ouvrage, le lecteur attentif aura donc une connaissance approfondie du ravitaillement en vol, des avions spécialisés aux « nounous » improvisées. Pour la compréhension globale des impératifs tactiques et stratégiques actuels, ce Docavia tient son rang et ne dépareillera pas votre bibliothèque, entre celui sur la guerre des Malouines et celui sur le Mirage IV.
Frédéric Marsaly
176 pages, format 25 cm x 32 cm, couverture rigide + jaquette
1,410 kg
– Docavia n°62
– Les autres ouvrages de la collection Docavia
* Nobody Kick Ass Without Tanker Gas (personne ne peut plus aller botter le cul [de quelqu’un] sans ravitaillement en vol… )