La dernière production des époux Roger reprend donc là où le volume 2 s’achevait, à cette césure qu’a constituée le débarquement en Normandie. Les auteurs commencent par une analyse de la typologie des missions à cette période, expliquant pourquoi les chutes d’avions se raréfient dans leur département à ce moment-là. Cependant, il n’est pas tout à fait exact d’écrire que le Bomber Command de la RAF envoie ses quadrimoteurs sur l’Allemagne à partir du 21 juillet, car d’autres raids sur le Reich ont eu lieu en juin. Certes pas très nombreux si on compare avec la période d’avant le débarquement, mais le fait est là.
On apprécie la parole donnée aux anciens combattants, majoritairement des pilotes de chasse. L’écriture est belle, fluide, riche, les mots sont bien choisis. De réels efforts ont été faits pour reconstituer, autant que possible, le déroulement des combats aériens et leur corollaire, objet du livre, les chutes d’avions et le sort des équipages.
Avec la Libération, les appareils photos ont été à nouveau de sortie, et cela nous permet de voir quelques-uns de ces avions perdus, souvent avec la population locale qui prend la pose. Nous avons même droit à des tirages issus d’un film, montrant un Piper L-4 Cub abattu par la Flak ! Un document rare et précieux, tout comme d’autres illustrations du livre.
Un chapitre est consacré aux mitraillages recensés sur le département. L’Histoire semble n’être qu’un perpétuel recommencement, car si un camion de lait se fait mitrailler le 3 août à Remilly-Aillicourt, j’ai connaissance de la même mésaventure à quelques kilomètres de chez moi, dans le département du Nord, à la fin de ce même mois d’août 1944 ! Les époux Roger ont l’honnêteté intellectuelle de préciser que leur liste n’est pas exhaustive. Cette humilité est appréciable, là où d’autres auteurs, ayant souvent fourni un travail de recherche moins poussé, abusent des superlatifs et sont les rois des formules définitives.
Un autre chapitre concerne les missions de parachutage, suivi d’une partie sur la Résistance et les filières d’évasion. La répression allemande fut là aussi sans pitié, et c’est sans plaisir que j’ai appris l’assassinat d’aviateurs alliés à Olizy. Tout lecteur, quelque soit son niveau de connaissance, apprendra beaucoup de ce livre. Les auteurs ont inventorié les aviateurs évadés ou cachés dans le département, liste qui aurait gagné à être un peu plus étoffée au niveau des détails, de même qu’ils publient une longue liste des Ardennais ayant aidé des aviateurs.
Les auteurs expliquent ensuite qu’après la Libération, l’identification des avions tombés se révèle souvent bien plus difficile. Au détour d’un paragraphe, on apprend les petits potins de l’Histoire : « Sains et saufs, les trois membres d’équipage s’extirpent du A-20 et sont très bien accueillis par les gens de ce village libéré depuis une semaine. Accueil si chaleureux que les trois aviateurs passeront la nuit sur place en galante compagnie. » D’autres anecdotes sont moins réjouissantes.
Quelques pages sont dévolues à la Bataille des Ardennes, et d’autres aux armes V tombées dans le département
Enfin, j’ai apprécié le chapitre final « Événements aériens et crashes non élucidés « , car il montre que la recherche et l’identification de ces avions et de leurs équipages n’est pas facile. Peut-être certains cas pourront-ils être élucidés, mais certainement pas tous.
Page 137, les auteurs écrivent qu’à part leur couverture des pertes dans le département des Ardennes, seul le département de l’Oise a fait l’objet d’un recensement similaire. Or une étude statistique, tant sur le plan humain que matériel, a été réalisée en 2007 par mes soins, pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, ceci pour le colloque Tombés du ciel, mais ne portant que sur les aviations alliées. Les actes du colloque furent publiés en 2008 et passés à la moulinette de l’Aérobibliothèque de l’époque.
Le livre s’achève logiquement sur une conclusion qui fait bien la part des choses, et sur des ajouts aux deux premiers volumes.
Outre les photographies noir & blanc et quelques croquis souvent d’époque, le livre recèle de nombreux profils en couleurs dus aux enfants du couple, Erwan et Gwendal, ce qui permet d’avoir une bonne idée des camouflages et marques des avions cités dans le texte.
Pour tout lecteur intéressé par la période de la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement par les histoires d’avions abattus et toutes les anecdotes qui en découlent, ce livre doit avoir sa place sur l’étagère de la bibliothèque.
Jocelyn Leclercq
144 pages, 17 x 24,5 cm, couverture souple dos carré
100 photos, 24 profils couleur