À la réception du livre, j’étais emballé. Une solide couverture cartonnée, et un premier survol prometteur. Malheureusement, j’ai assez vite déchanté. Pour peu que l’on connaisse déjà bien le sujet, que ce soit l’aspect « Français libres », que ce soit la Royal Air Force, ou bien encore la bataille aérienne dans le ciel de Normandie pendant l’été 1944, on sera déçu. Si au contraire on cherche à découvrir le sujet, ce livre sera une introduction, certes incomplète, et parfois erronée dans les détails*.
Commençons par le négatif : il y manque tout d’abord une relecture par une personne maîtrisant le sujet aéronautique et la langue française. Parfois, il manque des mots, ou bien une lettre ou un chiffre ! C’est fâcheux. Par exemple page 63 : « Engin » au lieu de « Engineer ». Il est tout aussi regrettable de lire deux fois la même information dans le même paragraphe, au début et à la fin.
On s’y perd un peu dans la mise en page : visiblement les pages sur fond de couleur sont des encadrés, mais peut-être sont-ils trop longs quand ils font quatre pages ? La chronologie du récit principal y perd toute fluidité. Pour la biographie d’un aviateur, rien de tel qu’un cadre pour clarifier la mise en page pour le lecteur.
Des erreurs viennent entacher cet ouvrage *, certaines concernant simplement le vocabulaire ou la syntaxe, d’autres la technique, l’histoire, voire le cadre de l’action.
La première partie consacrée aux personnels FAFL, leurs motivations et leurs parcours, manque d’homogénéité, et ce d’autant plus que le début de la deuxième partie est en fait le cœur du sujet de la première.
Finalement, c’est le fait d’avoir dilué sur une période trop longue qui, à mon sens, nuit au traitement de fond du sujet. Il aurait fallu restreindre le livre à la période allant du crépuscule du 5 juin au petit matin du 7, et livrer une étude exhaustive sur la base de documents primaires, comme cela avait été fait par Yves Morieult dans Croix de Lorraine sur Dieppe. Là, au contraire, on évoque certaines missions sur des objectifs en rien liés à la bataille de Normandie, mais pas toutes. S’agit-il d’un choix délibéré ou d’oublis ?
Paradoxalement, ce qui a été accompli le fatidique « Jour J » par les aviateurs français ne ressort pas du livre, alors que c’est son titre ! Une relation détaillée heure par heure des opérations effectuées par les aviateurs français en cette célèbre journée aurait du constituer le cœur de l’ouvrage, et ce n’est pas du tout le cas.
La bibliographie est elle-même un indice : les ouvrages cités sont souvent beaucoup trop anciens. Certes, les grands classiques restent inévitables, mais pourquoi se baser sur l’édition de 1970 de « 2nd Tactical Air Force » de Christopher Shores et Chris Thomas, quand ses auteurs ont publié une nouvelle version totalement remaniée en 4 volumes 35 ans plus tard ? Quelques parutions plus récentes comme Gusto sont heureusement répertoriées, mais quelques autres comme Aviateurs de la liberté – le mémorial des FAFL ou bien « Aircraft for the many » sont passés à travers les mailles.
Il semble également que la seule source primaire utilisée soit le carnet de vol de Denys Boudard. Mais quid des Operations Record Book ou des journaux de marche et d’opérations, les unités FAFL disposant de chacun de ces documents, lesquels sont disponibles dans les services d’archives ad hoc ?
Les 80 pages abondamment illustrées se lisent globalement assez rapidement, malgré les défauts listés plus haut.
L’iconographie noir & blanc est souvent assez connue, la majorité des photos venant de la revue Icare. Pour certaines, on voit bien la trame, ce qui est un peu dommage. L’auteur a tenté d’illustrer chaque homme ou sujet évoqué, point évidemment positif. Des profils d’appareils et quelques reproductions d’insignes apportent une touche de couleur à l’ensemble.
Il reste donc une place à prendre pour un ouvrage exhaustif sur les actions des aviateurs français dans le dispositif aérien de l’opération Overlord. Nul doute que le présent opus bénéficiera en 2014 des cérémonies du 70e anniversaire qui lui assureront une large diffusion auprès du grand public, mais les amateurs éclairés devront encore attendre pour le livre « définitif »… si tant est que cela puisse exister bien évidemment dans le monde de l’édition.
Jocelyn Leclercq
80 pages, 21 x 29,7 cm, relié
*Rappelons que les unités de la RAF ne prennent pas de quantième dans leur désignation. Transposé en Français, c’est le Squadron 340, ou numéro 340, pas le 340ème Squadron.
Si la syntaxe correcte est globalement respectée, on trouve çà et là, de petits » th » qui traînent (par exemple page 40).
SFTS (page 56) veut dire Service Flying Training School, et non Secondary. Et le mot service prend ici le sens de militaire.
Çà et là des erreurs se glissent dans le texte : page 20 : les Spitfire XIV et XVI à moteur Griffon ! Rappelons que le Spitfire XVI est équipé d’un moteur Merlin. Ce sont les XII et les XIV qui avaient les Griffon, et on peut légitimement mentionner, pour le débarquement en Normandie, les XIX qui devinrent opérationnels à ce moment-là. Les dates de mise en service sont également fausses. Page 71 : Radio Operator n’est pas correct, il s’agit en fait de Radio Observer, et ceux qui portaient cet insigne utilisaient des radars. Dans la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale, les opérateurs radio étaient des Wireless Operator, leur insigne étant soit une main tenant des éclairs, soit l’abréviation WAG pour Wireless Operator Air gunner s’ils étaient aussi mitrailleurs aériens.
Page 51, François Robinard évoque en première place la technique du basculement du V1 pour les abattre. Les études les plus récentes sur le sujet prouvent que cette méthode a été moins que marginale, l’auteur britannique Brian Cull affirmant le chiffre de 3 confirmés ! Seulement trois. Ou encore le déréglage des gyroscopes avec la turbulence de sillage. Encore aurait-il fallu écrire que les pilotes de chasse abattaient les V1 en leur tirant dessus ! Cela parait tellement évident pour tout le monde, que cela en devient un non-dit. Et pour compléter les statistiques sur les V1, Yannick Delefosse avance que 10 % de V1 sont tombés en France avant même d’atteindre la Manche…
Page 57, l’auteur mentionne un raid contre le site V3 de Mimoyecques, près de Calais, auquel participent les Groupes lourds. On est quand même très loin de la Normandie, tant géographiquement que militairement. François Robinard mentionne deux Halifax qui ont été touchés par la Flak. C’est intéressant, mais pourquoi avoir oublié la perte de l’équipage Varlet du Tunisie ? C’est quand même une information autrement plus importante, car elle se solde par la mort de sept hommes. C’est le premier équipage des Groupes lourds perdu au combat, ce qui n’est pas anodin, et c’est en outre la seule perte sur Halifax V à moteur Merlin, toutes les autres pertes le seront sur Halifax III ou VI à moteurs Hercules.